on « Pardon, je ne t’entends pas, ton micro est fermé ! » Après le choc de la pandémie, quel futur pour la FAD?
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« Pardon, je ne t’entends pas, ton micro est fermé ! » Après le choc de la pandémie, quel futur pour la FAD?

Julien Capraro
Coordonnateur communications & techno-pédagogie, Collège Éducacentre

Martin Claveau
Conseiller pédagogique et formation à distance, Cégep de la Gaspésie et des Îles

On a beau avoir exploré dans les moindres recoins et tant qu’on pouvait, on n’en a pas encore fini avec les analyses sur les conséquences que la pandémie a eu sur nos vies. Alors, pour apporter notre petit caillou à cet édifice, nous souhaitons décortiquer ici l’impact de la pandémie sur la Formation à distance. Quelles sont ainsi les conséquences durables, dans « le monde d’après » ?  À travers l’adoption massive récente, assistera-t-on à un changement profond et durable, le fameux  « changement de paradigme » ?

Crédit : Chris Montgomery via Unsplash

Pour commencer, autant tenter de s’attaquer de façon frontale, quand bien même maladroite, à l’énorme mammouth (pléonasme) qui encombre la pièce : le collectif de professionnels de la formation à distance derrière ce blog, est par nature, quelque peu biaisé par rapport à la question abordée ici.

Pour nous qui professons les mérites, les enjeux et les difficultés de la formation à distance depuis plusieurs décennies (les plus âgés d’entre nous se reconnaitront), l’arrivée de la pandémie et le recours aussi massif qu’immédiat à la formation à distance durant la pandémie a pris un tour bien particulier. Certes, cela validait beaucoup de nos arguments et notre démarche. Mais assez tôt après que ce virus ait forcé la main à bien des sceptiques, se profilait cette question essentielle, en filigrane : était-ce le prélude à un changement profond et durable dans le rapport à l’enseignement à distance ou juste une péripétie temporaire (pléonasme 2)?

Avant toute chose, il convient d’apporter une distinction, essentielle, au débat : la formation adaptée de façon urgente pour permettre la reprise de la session d’hiver 2020 à distance ressemble peu à la formation à distance « traditionnelle ».. Cette dernière, planifiée et organisée par l’institution d’enseignement, préparée par des enseignants qui sont encadrés par des professionnels de la pédagogie à distance, est choisie par des étudiants pour lesquels cette façon d’étudier ne se limite pas à un mode de livraison plus flexible.

Dans ce contexte, on peut comprendre que les acteurs qui œuvraient déjà en formation à distance avant la pandémie puissent avoir un regard très différent de ceux qui ont dû s’adapter rapidement à un mode d’enseignement qu’ils n’ont pas nécessairement choisi. Dans une démarche tout à fait « non scientifique » nous avons donc discuté avec quelques étudiants, enseignants et dirigeants afin d’avoir leur point de vue sur la question centrale qui concerne ce billet.

Point de vue de l’étudiant

« La FAD rend l’éducation accessible à tout le monde en région, c’est l’avenir de la formation! »

Nous avons recueilli le témoignage d’une étudiante habitant en région et qui était déjà inscrite dans un programme à distance au moment de la pandémie. Depuis quelques années, elle cherche à compléter une formation universitaire en enseignement, mais elle nous a confirmé que l’offre de formation à distance est plutôt limitée dans ce domaine. Selon elle, la crise a démontré que le plupart des programmes pourraient se donner à distance, elle souhaite donc voir une augmentation rapide de l’offre en ce sens dans un avenir proche.

« … c’est tellement moins compliqué d’étudier à la maison. T’as pas toute la logistique du transport »

« Pouvoir suivre ton cours quand tu veux, ça c’est extraordinaire »

La FAD ce n’est pas seulement une question de « distance ». On a compris que ça peut aussi apporter de la « flexibilité », de la « simplicité » et « de l’inclusivité ». Pour toutes sortes de raisons, certains étudiants ont grandement apprécié pouvoir étudier de la maison. Que ce soit pour éviter de perdre du temps en déplacement, pour avoir plus de flexibilité dans l’organisation du temps, pour la tranquillité de la maison, etc.

« … maintenant qu’on sait que tout peut se donner à distance, pourquoi revenir en arrière ? »

Pour ce qui est des étudiants inscrits en présentiel, l’expérience n’a pas été vécue de la même manière pour chacun d’entre eux. Même si le fait d’étudier à partir de la maison peut comporter des avantages, on comprend vite que ceux-ci ne parviennent pas à compenser le manque au niveau social.

«  Je vous dirais qu’on s’adapte, mais c’est un peu triste et nostalgique de voir sa dernière année passer avec tout ce cauchemar »

Pas facile, sans vie de campus, de développer un sentiment d’appartenance[1]

L’enquête nationale « Derrière ton écran » mentionne aussi que l’état de santé psychologique s’est détérioré pour 64% des étudiants depuis le début de la crise.[2] Nous laisserons les experts se prononcer sur l’impact à long terme de cette aventure à distance vécue par les étudiants.

Point de vue de l’enseignant

Nous avons demandé à quelques enseignants qu’est-ce qu’il restera de cette pandémie, que ce soit positif ou négatif.

« … c’est notre flexibilité en tant qu’enseignant. Avant la pandémie, je n’aurais jamais osé donner un cours de la maison »

À prime abord, on constate rapidement que les réponses sont très variées. Pour ceux et celles qui œuvraient déjà en FAD, il devrait maintenant être clair pour tous les intervenants du monde de l’éducation qu’un programme offert en FAD est beaucoup plus résilient. Certes, parmi eux, quelques enseignants ont dû apprendre à donner un cours à partir de la maison plutôt qu’à partir d’une salle de téléenseignement, mais on peut penser qu’au niveau de l’approche pédagogique, leur cours étaient déjà « Covid proof » ! Certains ont même eu du plaisir à découvrir l’enseignement à partir de leur domicile et continueront de l’utiliser à bon escient pour limiter certains déplacements.

« Je m’inquiète de l’image que va peut-être laisser la mauvaise FAD »

En contrepartie, ces enseignants croient aussi que l’image de la FAD en a pris pour son rhume et que les traces prendront du temps à s’estomper ! Même si on s’évertue à dire que durant la pandémie, ce n’est pas de la formation à distance qui a été dispensée à nos étudiants mais bien plutôt de la « continuité de l’enseignement à distance », il n’en reste pas moins que l’expérience « FAD » est bien gravée dans la mémoire de nos étudiants et de nos enseignants et qu’il faudra probablement travailler à corriger cette image dans les mois à venir.

Et qu’en est-il pour tous ces enseignants qui n’avaient jamais imaginé qu’un jour ils auraient à donner des cours à distance ? D’entrée de jeu, nous pouvons constater assez rapidement que ceux-ci semblent trouver des éléments positifs en lien avec les technologies, mais la liste des points négatifs est généralement un peu plus longue.

« La pandémie m’a permis de développer une plus grande aisance avec les outils FAD et d’expérimenter une plus grande diversité d’outils pédagogiques. »

Plusieurs rapportent que cette crise leur a permis de découvrir et de s’approprier plusieurs outils technologiques qu’ils vont continuer d’utiliser, soit pour varier leurs méthodes d’enseignement ou même pour offrir de la disponibilité aux étudiants. En contrepartie, il semble que cette expérience a aussi permis de développer certaines habitudes qui semblent moins appréciées par certains.

« …maintenant qu’on sait comment ça marche, les formations et les communications se font davantage à distance alors que personnellement, je préfère de loin les activités en présentiel. »

« …je crains que ça mène à une dévalorisation de l’enseignement en présence et qu’on présume trop rapidement que la FAD peut s’appliquer facilement à tout type de contenu. »

« La disponibilité 24h/24h »

Point de vue des institutions d’enseignement

Maintenant que l’on a démontré que les institutions d’enseignement sont en mesure de poursuivre les opérations dans une mode à distance, que les infrastructures technologiques sont en place, qu’on a investi dans la formation et dans l’accompagnement du personnel enseignant et autres ressources pédagogiques, pourquoi ne pas profiter de cet élan pour revoir et bonifier l’offre formelle de formation à distance ?

Le confinement a démontré la résilience de la FAD face à une crise sanitaire et, du même coup, a fait place à beaucoup d’improvisation afin de passer rapidement de l’enseignement en présentiel vers l’enseignement à distance. Est-ce qu’on a pu maintenir le même niveau de qualité d’enseignement ? Est-ce que toutes les compétences ont pu être acquises à un niveau suffisant par tous les étudiants ? Les conséquences réelles de cet état de fait sera mesuré dans les mois et années à venir.

Alors soyons réalistes. À partir de maintenant, le télétravail et la formation à distance doivent faire partie intégrante du plan de contingence de toute organisation. Et dans ce contexte, si on veut pouvoir maintenir la qualité de l’enseignement en mode à distance, ne serait-il pas souhaitable que les cours soient conçus à partir d’une approche pédagogique tenant compte de cette réalité ?

« Le fait que la majorité des cours soient offerts à distance a sûrement contribué à faire augmenter les inscriptions.[3] »

Chose certaine, comme nous en sommes à l’heure du bilan, nous croyons qu’une réflexion s’impose au sein des organisations. La FAD s’est déployée, tant bien que mal, dans tout le réseau de l’éducation et s’est imposée comme une approche de résilience. Qu’est-ce qu’on fait avec ça maintenant. On l’utilise comme levier de développement stratégique ?

Pour conclure, la pandémie a probablement permis l’accélération de l’appropriation des technologies telles que Zoom, Teams et autres outils collaboratifs (Google Drive, OneDrive). Est-ce qu’on peut pour autant affirmer que tout le monde connait ces outils Nous croyons qu’une chose est établie maintenant : On ne demande plus à personne s’il connaît Zoom !

[1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1740107/isolement-etudiants-cours-ligne-campus-universites-pandemie-sante-mentale

[2] https://www.fecq.org/dte.html

[3] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1728098/cegep-formation-continue-hausse-pandemie-rentree

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